Une fois de plus, le festival de Clermont oublie le scénario

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Une fois de plus, le festival de Clermont oublie le scénario

Messagepar Thorn » 25 Fév 2010 15:37

Une fois de plus, le festival de Clermont oublie le scénario...

écrit le 11/02/2010, par Frédéric Davoust




Le festival de Clermont, temple du court-métrage, carrefour de tous les cinémas, s’est achevé le 6 février. Lors des éditions précédentes, il y avait toujours un stylo dans les sacs des festivaliers. Or cette année : pas de stylo... L'écriture oubliée, c'est aussi ce qui s'est fortement ressenti côté sélection...


Les maux dits auteurs français

On ne dira pas que je n’ai pas donné de ma personne pendant ce festival : un peu moins de 80 courts-métrages visionnés, dont une bonne majorité de français ! J’ai eu l’impression, en grossissant à peine le trait, d’avoir vu 40 fois une suite de plans, mais de films, point !

Quel délice de voir après « coût » les films qui ont obtenu la contribution financière du CNC, certains forts mérités, puisque tous les dossiers sont constitués d’un scénario, et ils en ont un ! Pour d’autres, je cherche encore les motivations : pourquoi ? Mais qu’est-ce que je fous dans cette salle ? Je vais faire comme mon voisin, je vais dormir. Hier soir il y avait la soirée mexicaine, je me suis couché tard, et ce soir rebelote avec les portugais !

Je ne vais pas taper plus que ça sur les réalisateurs français (au risque de les faire passer pour des martyrs), mais je me permets un constat navrant : la plupart des réalisateurs - qui ont du abuser du visionnage intensif des films de Lynch, Godard, Rivette, Rohmer, Bergman, sans oublier Cassavettes en se paluchant outrageusement les cellules grises en quête d’une analyse freudo-lacano fémisienne pour chaque plan - la plupart des réalisateurs, disais-je donc, font preuve de créativité, d’inventivité dans la mise en scène, le cadrage et la photographie.

Bref dans tout ce qui a trait à la réalisation. Mais ces génies devrait relire leurs classiques et prendre conscience que tous les réalisateurs qu’ils vénèrent et dont ils se prétendent silencieusement les héritiers, tous sans exception, se sont penchés un jour ou l’autre sur un scénario. Si leur seul désir se limite au cadre, dénué d’histoire, qu’ils fassent de la photo !

Car de scénario il n’y en a point. Ils ne sont généralement qu’à l’état d’ébauche, laissés tristement en jachère au profit de la sacro-sainte réalisation. La conséquence résonne sur le ressenti du spectateur, le film restant centré sur lui-même sans intention claire, sans volonté profonde de raconter une histoire et de projeter celle-ci vers l’extérieur, vers le spectateur.

"On se retrouve souvent avec cette sensation désagréable d’être de trop dans cette histoire."

On ressent presque une défiance des auteurs-réalisateurs français vis-à-vis du scénario. Ils auraient la prétention de s’en passer en restant axés orgueilleusement sur leurs intentions de réalisateurs, avec en leitmotiv cette phrase détournée : « une image vaut mille mots ». Ils oublient simplement que ce qui fait le lien entre le film et le spectateur, ce n’est pas l’image, mais ce qu’elle raconte, ce n’est pas tant le film que l’histoire. Car l’histoire est une question de point de vue, et que cet élément indispensable se travaille au niveau du scénario.

J’ai vite constaté que dans certaines salles, un élément fait toute la différence : l’assise. Pas celle du film ou du réalisateur, mais bien l’assise personnelle, celle qui se joue au niveau postérieur de tout individu normalement constitué. J’ai pu remarquer, par expérience personnelle, que certaines salles (notamment l’amphithéâtre Gergovia) sont particulièrement inconfortables avec leurs sièges en bois. Il faut dire que l'amphi Gergovia est celui de la fac et qu'il s'agit sans doute d'une stratégie pour que les étudiants ne s'endorment pas pendant les cours... Est-ce l'esprit juvénile et quelque peu contestataire -parfois- des étudiants qui contamine le public ? Toujours est-il que lorsque le film fait oublier son mal au cul au public, celui-ci se montre fort reconnaissant, applaudit, voire acclame. Dans le cas contraire, il siffle et hue. La salle Gergovia un formidable thermomètre du festival !

Et curieusement, le public, lui, il le sent bien, s'il y a une histoire ou pas !

Cas de figures, figures de style

D’un côté, il y a des films d’intentions, axés exclusivement sur le procédé de réalisation, le tout tenu par une vague trame narrative souvent inaboutie. C’est le cas de "Je Criais Après la Vie", ou "Pour Elle" ( rien que le titre dénonce toute la prétention du réalisateur) film d’animation de Vergine Keaton dans lequel une meute de chiens court après une harde de cerfs, avant que ces derniers ne se rebiffent et leur courent après dans un décor qui se déconstruit et se reconstruit sans cesse ! S’il y a une métaphore à ce film, je ne l’ai pas trouvée, et ma voisine de douleur, emplie de compassion, non plus, vu qu’elle s’est réfugiée discrètement dans son iphone afin d'y jouer une réussite.

Ces films concepts devenant parfois des concepts de films sont souvent fort ennuyeux, le réalisateur se regardant filmer fier comme Artaban.

D’autres films nous racontent une histoire, ou du moins essayent mais sans fondement scénaristique suffisamment abouti. Il y a une bonne idée, une belle intention qui se distend et disparaît dans les affres dramaturgiques. C’est le cas de "Rendez-vous à Stella-Plage" où une jeune fille répond au téléphone dans une cabine téléphonique, à l’autre bout du fil, une mère cherche à parler à sa fille. La jeune fille joue le jeu. Le souci est que ce film s’ouvre tel un documentaire dans un cimetière, au parterre des oubliés. On est projeté ensuite au bord de la mer et on assiste à un enduro sur la plage. Puis au bout de quasiment 10 minutes, le téléphone sonne. Mais on ne comprend ni les enjeux ni les objectifs. En dehors des soucis techniques (dialogues quasiment inaudibles et incompréhensibles sans les sous-titres en anglais), la caméra se ballade, ne prend pas le temps de se poser (probablement tenue par un cadreur hyperactif)… L’histoire part dans tous les sens et ne laisse à aucun moment la possibilité au spectateur de rentrer en empathie.

"Modus Vivendi" de Liliane Rovère souffre du même mal. A la différence près que la caractérisation des personnages est présente mais trop succincte pour que le film fonctionne. La réalisation qui cherche à capter l’émotion des personnages dans leurs regards, sur les visages, ne prend pas.

Certains films renforcent la frustration. Quand j’ai vu sur le programme qu’un film d’Eric Guirado ("Un Petit Air de Fête", "le Fils de l'Epicier") était en sélection, je m’y suis précipité ! La prochaine fois, je m’en fais le serment, je ne regarde plus les noms des réals, au risque de voir s’écrouler mes dernières petites espérances. "Le Début de l’Hiver" raconte l’histoire d’un gamin qui rentre chez lui, il fait du stop, un gentil monsieur le fait monter, puis il se gare à côté d’un champ, lui fait une fellation et le dépose chez lui, en demandant connement au gamin de garder le contact. On ne ressent pas grand-chose, presque rien. Le réalisateur cherche à provoquer sans chercher le choc. Même ça on ne sait plus faire ! Autant revoir ses premiers courts.

Surprise !

Clermont ne serait pas Clermont si après avoir tapé un tant soit peu sur la médiocrité de la sélection française on ne parlait pas des exceptions. Des films touchants, portés par une sincérité franche et honnête, avec un point de vue et un parti-pris encadrés par un scénario travaillé.

Mettons de côté la déception "La Harde" de Kathy Sebbah qui souffre plus de sa réalisation que de son scénario. Reste quelques beaux moments : "Hymen" de Cédric Prévost, "Dounouia" de Olivier Broudeur et Anthony "Quéré", Annie de Francia de Christophe le Masne, "Wakefield" de Laurent Bébin et François Valla (qui prouvent qu’on peut jouer avec la narration et le décalage temporel). "Cabossés" de Louise de Prémonville (lauréate du Cèci). Sans oublier l'animation avec "Logorama" du collectif H5 et "Fard" de David Alapont et Luis Briceno.

La plus belle surprise, pour le scénariste que je suis, est venu d’un programme parallèle, un film hors compétition : "8 et des poussières" de Laurent Teyssier, sur un scénario signé de Guillaume Grosse. Non vous ne rêvez pas, il y a un scénariste qui n’est pas réalisateur ! L’histoire est celle de Yan, un jeune dealer sans domicile fixe ni emploi stable. Par amour pour sa copine, Yan est prêt à arrêter ses trafics et recherche un contrat d’embauche dans un entrepôt, au SMIC, qui équivaut à 8 et des poussières !

Ce film n’est pas prétentieux, le réalisateur a fait ses classes comme chef opérateur et cela se sent, à aucun moment il n’en fait trop. Il y a un bel équilibre entre l’image, la mise en scène, l’histoire et l’interprétation (Baptiste Amann, vu dans Plus Belle la Vie, est plus que convaincant, il a une présence intense qui fait plaisir à voir !) Il est étrange que ce film, bien meilleur que la plupart des films sélectionnés, auréolé de plus du grand prix au festival Premiers Plans d’Angers, se retrouve hors-compétition.

On peut alors logiquement se poser la question de la sélection.

A Clermont plus qu’ailleurs, la sélection est le fruit d’une équation à deux variables et une inconnue. La première variable concerne les films subventionnés par le CNC (dont une grande partie est présente), la seconde, les films soutenus par les seules collectivités territoriales. L’inconnue étant le choix des sélectionneurs.

Mais comme d’habitude, la vision du cinéma français n’est pas forcément alléchante. D’une année sur l’autre, les mêmes thématiques reviennent, quand elles ne sont pas sociales, elles se limitent à « moi, mon nombril et ma douleur ». La sélection paraît donc limitée par la force des choses. D'autres festivals sont plus honnêtes, s'excusant presque auprès des spectateurs de la qualité de la programmation. C'est vrai que ce n'est pas toujours de leur faute puisque dans une certaine limite, ils sont soumis aux choix des commissions.

Une autre vision du monde

Heureusement, le festival fait bien les choses et nous offre une compétition internationale ! Plein de bonne volonté, j’ai tenté d'être attentif aux films français - jouer la préférence nationale ? - mais il arrive toujours le moment fatidique où un choix cornélien s’offre à moi : quitter Clermont par le premier train ou bien me réfugier dans les bras des réalisateurs étrangers.

Vu que mon billet n’est ni échangeable, ni remboursable, que l’hôtel est payé jusqu’à la fin de la semaine, et que mon accréditation me donne accès à tout, je suis peut-être nul en équation mais celle-ci est facile à résoudre : j’opte pour l’international, puisque mes papiers sont en règle !

Au début j’ai été un peu refroidi, aller faire une demi-heure de queue ne me plaisait guère, mais ce fut un passage obligé au risque de se voir refuser l’entrée. Et parfois ce délai était largement insuffisant. A croire que tout le monde avait fui la France pour cet Eldorado dans lequel chacun mettait ses espérances. Bref, une demi-heure de queue pour chaque projection.

Contrairement aux réalisateurs français, et par le truchement de la densité de pays représentés (et donc gage de variété et de qualité : c’est comme les séries américaines en France, on a que le haut du panier !), je me réconcilie avec mon art. Non seulement les scénarios sont bétonnés, mais la réalisation ne souffre d’aucune prétention. Partant de sujets de société, ils nous montrent le monde tels qu'ils le voient. Ils offrent au spectateur une autre point de vue sur les choses que celui du journal de 20 heures.

"Metropolis Ferry" de l’espagnol Juan Gautier, raconte l’histoire d’un cas de conscience à la frontière entre le Maroc et l’Espagne. Trois jeunes adultes sont témoins du passage à tabac d’un clandestin. L’un d’eux, jeune avocat, décide de prendre sa défense avant de se désister.

Il n’y a aucun manichéisme, et sans condamner le protagoniste ni le spectateur, le réalisateur nous donne une vision de ce qui se passe à la frontière espagnole et des émotions, des valeurs qui sont en jeu. Il en est de même dans "En cavale avec Abdul", documentaire de David Lalé, James Newton et Kristian Hove, sur le parcours d'un migrant afghan à Calais. L'intérêt réside dans l'interaction de la caméra avec la vie du clandestin. La simple présence de la caméra n'est pas sans lui porter préjudice et interfère avec le réel.

"Civil but not Civilized", du libanais Georges Tarabay, dans lequel une famille fuit les bombardements israéliens sur Beyrouth en 1989. Le voyage est drôle, limite cocasse, empreint de nostalgie, avant que la guerre ne nous ramène à sa triste réalité.

Autre coup de cœur : "Trolls" , un film canadien de Brianne Nord-Stewart sur deux enfants de neuf ans qui s’initient aux mystères de la vie et des jeux réservés aux adultes. 7 minutes de drôlerie et de plaisir.

Article original :
http://www.scenaristes.biz/article-3185 ... enario.htm

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