Cinéma : la bataille de Paris

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Thorn
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Cinéma : la bataille de Paris

Messagepar Thorn » 25 Déc 2011 12:55

Cinéma : la bataille de Paris

lepoint.fr - 14/12/11


Les cinémas indépendants témoignent, à Paris, de difficultés croissantes pour obtenir les films qu'ils souhaitent programmer. © Maxime Jegat / Maxppp

Circuits et cinémas indépendants se disputent dans la capitale les films d'art et d'essai porteurs.

Branle-bas de combat aux Champs-Élysées. Le Balzac, cinéma indépendant fondé en 1935, a décidé de fermer ses portes du 21 au 28 décembre (une période où les salles battent habituellement des records d'affluence), afin d'alerter sur les difficultés qui sont les siennes d'accéder aux copies. La décision ne laisse pas d'émouvoir la profession : le Balzac, qui sélectionne pour ses spectateurs des films d'art et d'essai et mitonne des soirées ciné-concert, gastronomie ou opéra, a figure d'emblème de l'indépendant parisien.

En l'espèce, il souhaitait programmer Le Havre de Aki Kaurismäki et A dangerous method de David Cronenberg, et n'a pu obtenir ces films malgré un passage devant le médiateur du cinéma. "Nous n'avons rien de substantiel à mettre sur nos écrans", écrit, dans un communiqué, le directeur de l'établissement, Jean-Jacques Schpoliansky. En fermant les trois salles du Balzac, "nous espérons sensibiliser le public et les intervenants de la filière cinéma sur la situation désespérée dans laquelle se trouvent aujourd'hui de nombreux cinémas indépendants en centre-ville", ajoute-t-il. Car, au-delà de ces deux sorties manquées, le constat a, en effet, de quoi alarmer : les entrées du Balzac ont baissé de 10 % en 2011 par rapport à l'année précédente.


"Un épicier coincé entre Carrefour et Auchan"

La faute, selon Jean-Jacques Schpoliansky, à la pression que les grands "circuits" (UGC, Pathé Gaumont) imposeraient aux distributeurs depuis plusieurs années afin de projeter, à côté de grosses productions, les films d'art et d'essai "porteurs" (tel le récent Une séparation de l'Iranien Asghar Farhadi) qui, jusqu'alors, faisaient les bonnes heures des indépendants. "Ils veulent désormais que tous les publics puissent tout voir, explique le directeur du Balzac. Il faut voir sur quoi l'on m'empêche de travailler ! A dangerous method traite des relations entre Jung et Freud. C'est un film qui correspond parfaitement à ma programmation."

À quelques encablures de là, côté Georges V, le Lincoln témoigne de difficultés similaires. "Je suis comme un tout petit épicier coincé entre Carrefour et Auchan, qui n'aurait rien le droit de vendre", déplore Jean-François Merle, patron du cinéma. Comme Jean-Jacques Schpoliansky, il s'est résolu à faire appel il y a quelques semaines à la médiatrice du cinéma, faute d'avoir pu obtenir Le Havre, et se dit absolument solidaire du Balzac. "S'il disparaissait, le Lincoln ne tarderait pas à fermer à son tour, estime Jean-François Merle. Il ne resterait, à terme, que les trois gros circuits qui pourraient décider seuls de la culture."


Négociations

Faut-il alors jeter l'opprobre sur les distributeurs et les grands exploitants de salles, et contraindre au besoin ? À en croire d'autres acteurs de la profession, la situation mérite une approche plus nuancée. Parce que, d'abord, le Lincoln et le Balzac se sont l'un et l'autre battus pendant des années pour avoir seuls les copies de certains films. Or les distributions se négocient à Paris par quartier, et le plus souvent par "tandem" : dans une même zone, deux copies sont attribuées. Un système que les deux cinémas refusaient, mais qu'ils se disent aujourd'hui prêts à accepter, sur conseil de la médiatrice.

Or ce changement de stratégie est venu trop tard pour Le Havre, explique Roxane Arnold, directrice de la distribution pour Pyramide, responsable du film de Kaurismäki. "Nous avons mené l'ensemble des négociations en juin, souligne-t-elle. À l'époque, le Balzac refusait le tandem. Or ce film a été présenté à Cannes, il a été très remarqué : il nous était impossible de donner la copie des Champs-Élysées à un seul cinéma. Lorsque le Balzac a accepté le tandem, il était trop tard. Quant au Lincoln, il ne nous a sollicités qu'en novembre - trop tard également."


Luttes de pouvoir

Pour autant, le problème d'accès aux copies des indépendants reste entier, et admis de toutes les parties. "Les négociations sont toujours un moment difficile, reconnaît Roxane Arnold. Ce sont des luttes de pouvoir difficiles, qui ne se font pas dans la camaraderie et les discussions sympathiques." D'autant que, soufflent certains programmateurs, les batailles ne font pas qu'opposer circuits et indépendants, mais se mènent entre chacun des acteurs : à tous les niveaux, la concurrence fait rage.

"Il s'agit du dernier secteur où tout se passe sans contrat : les cinémas ne sont pas tenus de soutenir les films pour un nombre de semaines donné, souligne Martin Bidou, exploitant du Nouvel Odéon et directeur des ventes pour Haut et Court Distribution. Or les salles indépendantes reçoivent des subventions et il me semble normal qu'à ce titre elles aient un rôle spécifique. Y appartient, à mon sens, de soutenir les films plus longtemps que les autres." En l'espèce, un tel engagement pourrait aider à adoucir la concurrence des cinémas dans certains quartiers.

Difficile toutefois d'imaginer une solution unique et univoque. "On est tous conscients qu'il y a là un problème important à résoudre. Le Balzac, comme toute salle, doit avoir accès à des films importants d'art et d'essai. Mais il est difficile de parler de manière générale : les problématiques sont distinctes d'un quartier à l'autre, d'un distributeur à l'autre, d'un film à l'autre", commente-t-on chez MK2. De fait, la mairie de Paris préfère aujourd'hui s'en tenir à la situation du Balzac et demande dans un communiqué au CNC et au Médiateur du cinéma de "réunir rapidement" l'ensemble des acteurs concernés sur les Champs-Élysées.

Par Marion Cocquet


Source :
http://www.lepoint.fr/

Article original :
http://www.lepoint.fr/culture/cinema-la ... 7515_3.php

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