Ils sont intermittents, mais sont-ils enviables ?

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Thorn
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Ils sont intermittents, mais sont-ils enviables ?

Messagepar Thorn » 06 Juin 2013 10:05

Ils sont intermittents, mais sont-ils enviables ?

television.telerama.fr - 05/06/2013

Monteur, maquilleuse, machiniste : ils sont intermittents du spectacle. Un statut précaire mais précieux, qui sera de nouveau négocié à l'automne 2013. Entre temps, la crise est arrivée.

Attention danger. Cet automne, le régime de l’assurance-chômage des intermittents du spectacle doit être renégocié. Les artistes et techniciens du cinéma et de l’audiovisuel tiennent comme la prunelle de leurs yeux à ce régime qui leur est beaucoup plus favorable qu’à n’importe quel autre salarié, contrepartie de l’extrême précarité de leurs conditions d’emploi. Oui mais voilà, ce système d’allocations chômage coûte cher à la collectivité. Trop ? En 2003, sa réforme au terme d’une négociation houleuse avait mis le feu à la culture provoquant l’annulation de nombreux festivals, dont le plus célèbre, celui d’Avignon, et la démission du ministre de la Culture de l’époque, Jean-Jacques Aillagon. Dix ans plus tard, le régime d’assurance-chômage des intermittents n’est plus remis en cause par personne mais reste déficitaire. Artistes et techniciens fragilisés par la crise n’en ont jamais eu autant besoin mais l’heure est à la traque au déficit. Un cocktail à haut risque à la veille de l’ouverture de la saison des festivals.

Louis, monteur

Il en a vu défiler des bancs de montage depuis qu’il a gagné ses galons d’intermittent en 2002. Au début, Louis s’était un peu enfermé dans le film institutionnel et le film d’entreprise. « Ça payait mieux ». Avec la crise, l’offre s’est raréfiée en quelques mois et Louis a dû activer dare-dare son réseau pour trouver d’autres points de chute. « Nous sommes en recherche permanente de nouveaux boulots. C’est un mode de vie fatigant et le statut d’intermittent est un sacré filet de sécurité. » Aujourd’hui, Louis tourne avec une dizaine de sociétés et travaille régulièrement pour les JT de TF1 et France 2. « Un bon plan car les chaînes ont chacune leurs habitudes et apprécient ceux qui les connaissent. » Une garantie d’être appelé souvent.

« Les tarifs syndicaux n’étaient déjà pas respectés avant la crise, ils le sont encore moins aujourd’hui. »

Et puis ces grandes chaînes sont réglos, elles payent normalement, frais de déplacement et heures supplémentaires comprises. « Dans des entreprises plus petites, les salaires n’ont pas bougé ou presque depuis dix ans. Les tarifs syndicaux n’étaient déjà pas respectés avant la crise, ils le sont encore moins aujourd’hui. Quand une boîte propose de vous payer à 50% du tarif syndical, qu’est ce que vous faites ? J’ai la chance d’avoir les moyens de refuser, mais tous ne sont pas dans mon cas. » Comme d’autres, Louis a aussi été confronté aux petites combines du système, ces boîtes de production qui pour survivre ou s’en mettre dans les poches, payent non seulement les techniciens au rabais mais déclarent aux Assedic deux fois moins de jours travaillés que ceux réellement effectués.

Louis raconte aussi les à-côtés du « statut » d’intermittent. La difficulté de louer un appartement, l’impossibilité de décrocher un crédit. « Ce n’est même pas la peine de présenter un dossier », lui a répondu la chargée de clientèle de sa banque. Alors, il s’est débrouillé. « J’ai fabriqué des faux bulletins de salaire et un faux contrat de travail à durée indéterminée. Je ne m'en vante pas, c'était juste la seule manière de m’en sortir. » Mieux vaut aussi ne pas tomber malade. Louis a connu pire. Un accident grave, des mois d’immobilisation. « Du jour au lendemain, j’ai perdu les deux tiers de mes revenus. Je ne touchais plus que l’indemnité de la Sécurité sociale. »

Pourtant il ne se plaint pas. Louis gagne aujourd’hui correctement sa vie et n’est pas loin de se considérer comme un nanti. Et si un contrat à durée indéterminé se présentait à France Télévisions ? « Je perdrais pas loin de 25% de mes revenus mais j’y gagnerais la sécurité. Alors aujourd’hui, j’accepterais. »


Julia et Romane (1) maquilleuses

Des visages, Julia en a maquillé des milliers en plus de vingt ans de métier. Des contrats, elle en a signé des centaines. Pourtant, rien n’est jamais acquis. « L’intermittence, c’est de la précarité à l’état pur, surtout en période crise. On est toujours à la merci d’une émission qui s’arrête, d’une compagnie de théâtre qui décide de se passer de maquilleuse sur un spectacle en raison d’un budget trop serré, où d’une production qui remplace des maquilleuses professionnelles par des stagiaires payées 30% du SMIC. » Julia tourne avec moins de quinze « piges » par mois (2) et avoue ne jamais savoir en début de mois combien elle en fera à l’arrivée. « Même au bout de vingt ans, on ne s’y habitue pas. Une semaine calme et je ne dors plus la nuit. Quand on m’appelle à cinq heures du matin pour faire un remplacement le jour même, si je n’ai pas mon quota d’heures, j’y vais. J’évite de planifier des vacances à long terme pour être le plus disponible possible. »

Côté salaire, c’est du surplace depuis des années. « Quand j’ai commencé à travailler en 1990, une pige/jour était payée 1200 francs (183 euros), aujourd’hui, c’est 185 euros en moyenne. Certaines grosses sociétés d’événementiel payent 160 euros. D’autres négocient des prix encore plus bas, si le contrat qu’elles proposent s’étale sur plusieurs jours. » Il faut parfois accepter de travailler plus à salaire égal, renoncer à se faire payer les heures supplémentaires, ne plus se faire rembourser les produits de maquillage. Un manque à gagner de 18 euros par journée de travail pour Julia.

« Si tu veux continuer à travailler pour nous, mets-toi en autoentrepreneur. »

La crise favorise également des pratiques de plus en plus limites. Témoin cette histoire arrivée à une autre maquilleuse, Romane. Il y a cinq ans, elle décroche le gros lot : le site internet d’une grande entreprise met régulièrement en ligne des émissions tournées en vidéo et lui propose un forfait de 312 euros brut par jour de tournage. « Ça a été la fête pendant dix-huit mois. » En 2009, le forfait est divisé par deux. Romane accepte pour ne pas perdre un employeur qui l’a fait travailler plusieurs jours par mois. Le pire reste à venir. En janvier 2013, le nouveau responsable la convoque : « C’est fini, tu ne reviens pas la semaine prochaine. Si tu veux continuer à travailler pour nous, mets-toi en autoentrepreneur et nous te facturerons la prestation 50 euros ». Elle refuse. « Je peux accepter de baisser mes tarifs mais il y a des limites. »

L’une et l’autre ont également été les témoins des abus du système. Ces entreprises d’événementiel qui déclarent les hôtesses d’accueil comme intermittentes. Ces boîtes de production qui ont pignon sur rue et font la même chose avec leur standardiste. Et puis il y a ces sociétés qui vous font travailler dix jours et en déclarent cinq, le solde étant pris en charge par les Assedics. « On a un système protecteur sans lequel je n’aurais jamais pu exercer mon métier et je ne veux pas magouiller, mais à chaque fois que j’ai refusé d’entrer dans le jeu, je me suis grillé ». Les intermittents, tous fraudeurs ? Loin de là. « C’est vrai, certains profitent du système et la crise ne simplifie pas la relation intermittent/employeur, mais le nombre d’abus n’est pas plus élevé ici qu’ailleurs. »


Grégory Hen, chef machiniste

Tout le monde n’a pas eu la chance de travailler un jour avec Humbert Balsan, un des producteurs les plus unanimement respectés dans le monde du cinéma et de l’audiovisuel. « Après quelques années à apprendre mon métier sur des courts-métrages, j’ai eu le bonheur de le croiser », raconte Grégory Hen. « C’était un homme magique, un producteur comme on en fait plus. Avec lui, j’ai travaillé sur des longs métrages et des téléfilms. On était pas toujours payé au tarif syndical, mais on gagnait quand même correctement notre vie et les tournages se déroulaient dans des conditions incroyables. » En 2005, Humbert Balsan se donne la mort. Grégory Hen perd un homme qu’il admire en même temps que son employeur principal. Il refuse de quitter son port d’attache, la région PACA, et enchaîne les contrats sur des tournages de publicité ou des téléfilms pour TF1 et France 2.

Il n’en garde pas un souvenir impérissable. « J’ai été très maltraité par certaines productions. » Un jour, il frappe à la porte de France 3 Marseille et se retrouve face à une interrogation : « Avez-vous le permis poids-lourd ? » Il l’a et commence immédiatement à travailler au volant du « camion machino », qui transporte le matériel de tournage. C’était il y a huit ans. Depuis, il signe entre 60 et 70 CDDU (contrat à durée déterminée d’usage) par an avec France Télévisions qui, à quelques exceptions près, est devenu son unique employeur. « C’est une boîte plutôt fidèle et réglo qui me permet de faire mes heures (1), ce qui me procure un certain confort. La contrepartie, c’est que les boulots tombent n’importe quand et qu’il faut être là. C’est un contrat tacite : ils me font travailler mais quand ils ont besoin de moi, je réponds toujours présent. » D’intermittent, Grégory Hen est ainsi devenu un « permittent », ces intermitents employés de façon permanente ou quasi permanente par un même employeur. Lui récuse le terme. Il se définit plutôt « comme un titulaire remplaçant qu’on peut utiliser à tout moment et envoyer partout. »

« Au syndicat, on défend l’embauche, mais je ne veux pas cracher sur la boîte qui me fait vivre depuis huit ans. »

Au-delà des mots, cette situation est dénoncée par tous les syndicats – dont Force Ouvrière auquel il adhère – qui y voient une externalisation d’emplois permanents et appellent à requalifier des centaines de CDDU en contrat à durée indéterminée. Certains des intermittents passent d’ailleurs en force et obtiennent souvent leur intégration ou de copieuses indemnités devant les Prud’hommes. Grégory Hen plaide lui faveur de la négociation. « Au syndicat, on défend l’embauche, mais je ne veux pas cracher sur la boîte qui me fait vivre depuis huit ans. » Il défend aussi le régime de l’intermittence – « une subvention culturelle déguisée mais pas un mauvais système » – car s’il avoue se sentir « plutôt protégé dans l’audiovisuel », ce n’est pas le cas partout. « Dans d’autres secteurs de la culture, je connais plein de personnes bourrées de talents qui ont un mal fou à trouver du boulot. »


Source :
http://television.telerama.fr/

Article original :
http://television.telerama.fr/televisio ... ,98269.php

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